6 septembre 2014

Franc-Alleu

C’est le 6 septembre 2014, par une belle journée estivale, que s’est déroulée la 85e excursion de la Société des sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse dans l’ancienne enclave du Franc-Alleu située au sud-est de notre département.

Le premier arrêt a eu lieu dans le cadre magnifique qu’offre le domaine des vergnes, commune de Saint-Pardoux-le-Neuf. Les propriétaires, Philippe Dumontant et son épouse, ont accueilli chaleureusement les 52 participants pour une découverte des extérieurs des bâtiments remarquables.

En préambule, Philippe Loy a dressé l’historique du lieu, mentionnant les familles qui ont successivement possédé le domaine. à l’origine c’était là un petit fief qui dépendait de la châtellenie d’Aubusson. Au XVIIe siècle, il appartenait à la famille des vergnes. à noter que Pierre Ier des vergnes, qui était à la tête d’autres fiefs dans les environs, fut avocat en Parlement et lieutenant civil et criminel de la châtellenie d’Aubusson.

Philippe Dumontant proposa ensuite une balade des rives de l’étang aux diverses dépendances. Celle-ci fut ponctuée de nombreux échanges entre les participants et le propriétaire qui s’interrogeait sur l’origine de certaines pierres présentes dans son parc. La visite s’acheva devant l’imposante maison de maître qui remonte à l’époque révolutionnaire.

Toujours dans la matinée, le rendez-vous suivant avait été fixé au Chez-de-Barmont (commune de Saint-Avit-de-Tardes) pour un édifice très différent où, là encore, l’accueil du propriétaire, M. Malveau, s’est révélé des plus cordiaux.

Nous sommes là au carrefour de plusieurs provinces. Depuis le Moyen Âge, une tour avait été érigée avec pour but le contrôle du passage de la Tardes (surveillance, péage). Celle-ci voisinait avec un logis médiéval aujourd’hui disparu et flanqué d’une chapelle. Elle est aujourd’hui englobée dans une vaste demeure édifiée fin XVIe, début XVIIe siècle par la famille La Roche-Aymon qui posséda un temps les lieux. Nous avons là un remarquable château de plaisance richement orné. La porte d’entrée est encadrée de pilastres cannelés à chapiteaux ioniques. Les cheminées sont de style Renaissance et les boiseries sont remarquables. M. Malveau pense qu’elles pourraient être de Simon Bauer, le maître d’œuvre de Moutier-d’Ahun.

En 1801, le général Espagne choisit ce lieu pour s’y installer avec sa famille, alors qu’il était en charge d’une circonscription militaire qui incluait ce qui comprend aujourd’hui la Creuse, l’Allier et la Haute-Vienne.

Malveau, qui a engagé de gros efforts de restauration, ne cache pas sa passion pour cet ensemble et c’est, par petits groupes, qu’il a fait découvrir à nos sociétaires de véritables trésors.

C’était ensuite l’heure du repas qui était servi dans la salle polyvalente de Saint-Silvain-Bellegarde.

Cette bourgade est située sur un promontoire qui permet d’embrasser un vaste panorama. Avant de quitter les lieux, le groupe était invité à entendre l’intervention d’Alain Grass, élu de Saint-Silvain-Bellegarde et responsable industriel de Codechamp, une PME qui possède une annexe dans le bourg. Installée depuis 1980 à Champagnat pour créer des codeurs optiques, cette entreprise creusoise s’impose aujourd’hui dans le domaine spatial au niveau international. Elle est notamment présente dans de nombreux satellites qui assurent la couverture de la Terre mais aussi dans des sondes interplanétaires, dont la sonde Rosetta.

La visite de Bellegarde-en-Marche allait ensuite nous plonger à nouveau dans le passé avec le musée Air Mémorial creusois et la visite de la ville. Deux gloires de l’aviation, Lionel de Marmier (1897-1944), figure des Forces aériennes françaises libres, et François Denhaut (1877-1952), inventeur des hydravions à coque, sont attachées à cette commune. Ceci explique en partie la création du musée en 2008. En hommage aux aviateurs creusois sont exposés des maquettes, des collections d’objets mais aussi des photos, des articles de presse et des documents divers sur plusieurs étages. C’est une association qui est à l’origine de ce mémorial. Des membres présents ont pu répondre à la curiosité des visiteurs.

Quant à l’histoire de la ville, elle était assurée par un guide d’Air mémorial creusois qui la fit revivre tout en déambulant dans les rues à la recherche d’indices du passé. La tour de l’Horloge est le plus important vestige des fortifications qui entouraient autrefois Bellegarde.

Cas unique parmi les cités de la région, à l’époque médiévale, Bellegarde qui n’appartenait pas au comté de la Marche, était une ville franche, les habitants jouissant de larges libertés et de privilèges. Ils étaient libres de leur personne et de leurs mouvements. De surcroît, ils n’étaient pas assujettis à cette imposition qu’était le cens. Ainsi la ville était considérée comme la capitale de ce petit territoire que l’on nomme le Franc-Alleu. à noter également qu’aux tapissière renommée au point de rivaliser un temps avec Aubusson. XVIIe et XVIIIe siècles, Bellegarde fut une cité.

Dernière visite avec l’église Saint-Oradour de Lupersat avec, comme guide, notre confrère Jean Brunet. Cette église (30 m de long sur 20 m de large) est une des plus vastes du département. Avec force détails, l’érudit retraça, depuis la première construction entre les XIe et XIIe siècles, tout l’historique des modifications, voire des transformations consécutives aux vicissitudes du temps, jusqu’à la récente restauration qui s’est achevée en 2013. Le tout sans omettre des explications sur l’architecture, en insistant sur les chapiteaux qu’il qualifia d’exceptionnels. Ainsi se concluait une journée particulièrement dense et éclectique qui témoigne de la richesse culturelle qu’offre notre département.

Jean-Pierre Verguet